Outils de mesure grand fond
Caractérisation des conditions physico-chimiques à proximité des organismes
CHEMINI et PEPITO
CHEMINI et PEPITO sont deux outils complémentaires qui permettent de caractériser l'environnement physico-chimique des organismes présents dans les écosystèmes marins profonds. Ils ont été développés pour prélever et analyser l'eau de mer et les fluides enrichis en éléments chimiques.
PEPITO est utilisé pour prélever des échantillons d'eau. Il est constitué d'une pompe péristaltique qui aspire l'échantillon à travers une canule (un tube) manipulée par le bras du submersible. Les échantillons sont dirigés à l'aide de vannes solénoïdes vers 15 bouteilles ou poches. Ils sont stockés dans ces réceptacles inertes chimiquement jusqu'à l'arrivée du sous marin en surface. Les échantillons sont alors récupérés et analysés immédiatement si possible (oxygène dissous, pH, méthane…) ou traités puis stockés avant leur analyse à terre. Ils peuvent aussi être filtrés pour avoir accès entre autres à la concentration en métaux dissous et particulaires. PEPITO a été développé en 2007 et peut travailler jusqu'à 6000m de profondeur. Il a déjà travaillé sur le ROV Victor 6000 et sur le sous-marin Nautile.
CHEMINI est un analyseur chimique in situ. Il permet d'analyser des échantillons d'eau directement sur le fond, sans remonter l'échantillon en surface. L'analyse in situ permet de doser des éléments instables qui pourraient être modifiés durant la remontée du sous-marin. Cette technique permet également de décrire des environnements très fluctuants comme ceux rencontrés dans les écosystèmes hydrothermaux.
CHEMINI est configuré pour analyser l'hydrogène sulfuré (sulfures totaux) et le fer total dissous dans l'eau de mer, jusqu'à 6000m de profondeur. Il a déjà été utilisé avec le ROV Victor et le Nautile. Il peut également être installé sur des observatoires fond de mer. Il a notamment permis d'acquérir 3 mois de données dans une moulière du site hydrothermal Lucky Strike sur la ride médio Atlantique en 2006.
Optode
Une optode est un capteur optique de mesure des concentrations d’oxygène dissous dans l’eau de mer. Les optodes que nous utilisons sont disponibles sur étagère et peuvent être déployées jusqu’à des pressions de 6000m.
Débitmètre FLO
Le fluide hydrothermal fournit à la faune associée, l'énergie nécessaire à son développement, en particulier par la chimiosynthèse. La mesure du débit de ce fluide permettra d'évaluer les quantités d'éléments chimiques présentes dans l'environnement des organismes, et par conséquent, de mieux comprendre leurs besoins et leurs tolérances.
Le FLO utilise deux méthodes d'estimation du débit. La première est visuelle et permet d'évaluer le débit en calculant la vitesse de passage des particules dans un cylindre gradué. La seconde méthode utilise le principe du film chaud : un premier capteur mesure la température ambiante du fluide, le second capteur mesure la température du fluide à proximité d'une petite résistance chauffante. La différence entre les deux températures est inversement proportionnelle à la vitesse du fluide. L'utilisation de ces deux méthodes permet de comparer et de valider les mesures obtenues.
Mesure des courants
Le courantomètre est un instrument destiné à la mesure de la vitesse d'écoulement de l'eau. Il existe deux applications principales:
- Les instruments destinés à la mesure de la vitesse et du débit des canaux ou cours d'eau,
- Les instruments destinés à la mesure de la vitesse et de la direction des courants marins.
Les courantomètres modernes (ADCP) utilisent généralement l'effet doppler : un signal sonore est émis vers le bas (courantomètre de surface) ou vers le haut (courantomètre immergé). Ce signal est rétrodiffusé par les microparticules contenues dans l'eau de mer et capté par des transducteurs disposés en croix : le traitement des signaux recueillis permet de calculer les deux composantes horizontales du courant.
Caractérisation des fluides (en collaboration)
Sondes de hautes et de faibles T°C
28, c’est le nombre de sondes de température restées au fond de l’océan pendant un an et enregistrant la température des fumeurs et autres structures hydrothermales sur le site de Lucky Strike. En 2009, lors de la campagne Bathyluck’09, deux différents types de sondes ont été déployées, les sondes haute température (HT) permettant d’enregistrer des températures jusqu’à 370°C et des sondes basses températures (BT) enregistrant des températures fluctuantes entre 10° et 100° C. Toutes équipées de caissons en titane pour résister à la chaleur et à la pression, elles peuvent s’apparenter à des thermomètres géants. Le déploiement de ces sondes HT dans les fumeurs est une tâche longue et difficile pour les pilotes de VICTOR et les scientifiques. La tige (là où se trouve le capteur), en forme d’hameçon, doit être délicatement introduite à l’intérieur du conduit des cheminées en évitant de casser ces édifices très friables. Puis une fois lâchées par Victor, les sondes HT se maintiennent en équilibre grâce à de gros flotteurs jaunes.
Les sondes BT, quant à elles, sont installées dans les fissures hydrothermales, plantées comme des javelots dans le substrat fissuré. Les données de ces sondes sont importantes pour les scientifiques; elles permettent de quantifier la chaleur perdue par la planète Terre au niveau des systèmes hydrothermaux et de mieux comprendre la dynamique et les interactions de ces systèmes avec d’autres phénomènes comme par exemple les marées.
Bouteilles de prélèvement des fluides
Les bouteilles étanches en titane permettent de prélever des fluides et des gaz hydrothermaux dans des conditions de fortes pressions (jusqu'à 750 bars) et températures (jusqu'à 400°C). Nous les utilisons pour échantillonner les fluides émis sur le plancher océanique, à l’orifice des cheminées hydrothermales du site Lucky Strike, plus connus sous le nom de fumeurs noirs.
Les bouteilles sont préalablement conditionnées en surface : avant déploiement, un vide partiel est effectué, permettant d’optimiser le prélèvement, mais également de réduire au maximum la pollution de l’échantillon pouvant provenir de l’atmosphère ou de l’eau de surface. Les bouteilles sont conçues pour être déclenchées par le bras manipulateur de Victor lorsqu’elles sont correctement positionnées dans l’orifice de la cheminée. Le bras applique alors une pression sur le déclencheur de la bouteille. Celui-ci est une tige d’un seul tenant qui obstrue l’orifice d’entrée d’eau. Lors de l’ouverture, la tige se déplace vers l’extrémité de la bouteille, permettant l’entrée du liquide par différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la bouteille. Une fois le prélèvement effectué, la tige referme l’orifice : le fluide et les gaz sont ainsi isolés de l’eau de mer environnante.
Au retour de la plongée, les bouteilles sont récupérées puis amenées au laboratoire. La première étape est de collecter les gaz et d’en mesurer le volume, avant d’être analysés par chromatographie en phase gazeuse à bord. Un aliquot du fluide est ensuite utilisé pour des mesures de conductivité, de salinité, de pH, directement à bord. Le fluide restant est conditionné dans divers flacons pour analyser sa composition chimique à terre. Les bouteilles sont enfin nettoyées et reconditionnées, prêtes pour une nouvelle plongée.